Dans l’acte de vente de la brasserie de Wintzenheim par Frédéric Hornung à Gustave Schmutz en 1857, il est précisé que « quant à la cave et au hangar, les époux Hornung les ont fait construire eux mêmes ». Il s’agit de la cave n° 10 creusée entre 1850 et 1856, « attenant vers le couchant à Guillaume Molly de Colmar », qui possédait donc déjà le terrain sous lequel il fera creuser les caves n° 8 et 9 dans les années 1860-62. Mais comment ont-elles été construites ? Le document ci-dessous nous apporte des précisions intéressantes.
Le 9 décembre 1857, le Commissaire de Police de Wintzenheim écrit au Préfet du Haut-Rhin :
Monsieur le Préfet, J'ai l'honneur de vous informer que j'ai visité hier des travaux souterrains, que le sieur Schmutz, brasseur à Colmar, fait exécuter pour agrandir une cave voûtée qu'il possède dans le versant d'une colline à proximité de Wintzenheim, lieu-dit Orbst-weg. J'ai remarqué d'après la nature du terrain calcaire et de la surface, que l'atelier des ouvriers n'était pas dans les conditions de leur propre sûreté et que rien n'était établi pour prévenir un éboulement...
Le Préfet adresse immédiatement une note au service des Mines et Carrières, et le 15 décembre, l'agent-voyer en chef des chemins vicinaux lui fait parvenir le rapport suivant :
Monsieur le Préfet, Pour répondre à votre honorée du 12 de ce mois
concernant les travaux souterrains entrepris à Wintzenheim par le sieur Schmutz,
brasseur, pour l'agrandissement d'une cave voûtée qu'il possède sur le versant
de la colline dit Orbstweg, je me suis rendu sur les lieux hier 14 du courant et
j'ai pu constater que les travaux entrepris qui consistent à prolonger la cave
de 3 mètres dans la montagne ne présentaient aucun danger pour les ouvriers. En
effet les déblais qui sont actuellement terminés s'effectuent dans une glaise
très compacte entremêlée de cailloux roulés formant corroi et présentant une
consistance telle qu'il est presque impossible d'en détacher des parcelles à
coup de levier. Les ouvriers employés aux manœuvres et à la percée de la galerie
sont à l'abri sous la partie déjà voûtée et sous un échafaudage que j'ai fait
consolider en ma présence, et qui retient les parois glaiseuses à la partie à
voûter au moyen de madriers en chêne de 0,08 m d'épaisseur, soutenus par des
chandelles de 16/16, reposant elles-mêmes sur une traverse ou seuil sur laquelle
elles sont solidement fixées. Les pied-droits supportant la voûte sont déjà en
partie maçonnés et l'on pourra poser le cintrage de la voûte dans le courant de
la semaine prochaine. Il y aurait donc lieu de prescrire simplement au sieur
Schmutz d'avoir à continuer l'étançonnage des parois supérieures de la galerie
entamée au moyen de madriers tapissant toute la surface supérieure et reliés
entre eux au moyen de fortes traverses supportées par des chandelles solidement
fixées sur des semelles reposant au niveau du plafond de la cave. Le sieur
Wertz, agent-voyer de la circonscription de Wintzenheim pourrait être chargé de
la vérification journalière des mesures prescrites.
Je suis avec respect, Monsieur le Préfet, votre très humble et très obéissant serviteur,
Signé : l'agent-voyer en chef
Le préfet suit ces recommandations et signe l'arrêté n°1032 du 28 Xbre 1857 enjoignant au brasseur Schmutz de suivre les prescriptions de sécurité énumérées dans le rapport.
(Source : ADHR 8S5)
Nota : Il s’agit probablement de la cave n° 2 ou 3, qui appartenaient toutes deux à Jean-Emile Schmutz, et que ses héritiers vendront à Guillaume Molly avec sa brasserie colmarienne de la rue des Juifs en 1873. Il est par ailleurs peu probable que le Préfet ait été mobilisé pour un agrandissement de cave de 3 mètres seulement. Il s’agirait plutôt d’une extension de 30 mètres, probablement le 3ème tronçon de la cave n° 3 , la plus profonde, chantier dont l’importance pouvait justifier l’intervention d’un ingénieur des mines pour veiller à la sécurité des ouvriers...
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